L’existence est parsemée d’obstacles qui poussent les êtres à se transcender et donner le meilleur d’eux même. C’est ce qu’a du se dire Marième Thiombane en choisissant de percer dans le rugby. Et la jeune fille est déterminée à laisser une empreinte féminine sur ce sport typiquement “macho”.
Après un regroupement d’une semaine avec l’équipe nationale féminine de Rugby, pour la préparation du tournoi de la zone nord à Thiès, Ndèye Marième Thiombane a accepté de nous recevoir au domicile familial, à Rufisque. «Le rugby n’est pas juste un sport réservé aux garçons. Moi je n’apprécie pas que l’on dise cela. Les filles font aussi partie de ce sport. Nous, au sein de l’équipe nationale, nous sommes prêtes à apporter la réalité du rugby ici au Sénégal». Ces propos traduisent bien le caractère de cette jeune fille de 20 ans venue à la Balle Ovale en 2007, pour prouver que la gent féminine y a aussi son mot à dire. Autrefois footballeuse, elle se laisse séduire par le discours d’un entraîneur du quartier à la recherche de jeunes talents pour le rugby. Celle qui adorait regarder les rencontres de la France et des All blacks (Nouvelle-Zelande) décide de franchir le pas qui conduit aux mêlées. «Un coach du nom de Mansour Mbaye, qui habitait tout près de chez nous, recherchait des filles et des garçons pour jouer au rugby. Puisque c’était un sport nouveau au Sénégal, j’ai eu envie de le découvrir. Vu que je suivais beaucoup les matchs de rugby à la télévision, je me suis dite, pourquoi pas?», se souvient-elle.
Après deux ans de pratique, sa première sélection en équipe nationale tombe comme un signe qui confirme son choix. «J’étais ici à Rufisque et on m’a proposé à un club des Parcelles Assainies. J’ai démarré les entraînements avec les Amazones et nous avons été informées qu’il y aurait bientôt un tournoi de détection des joueuses pour l’équipe nationale. J’ai été retenue lors de ce tournoi», relate-t-elle. Elle est désormais la «talonneuse» de la sélection dirigée par Alexis Bass depuis sa création en 2009. Son rôle consiste à faire sortir le ballon à l’aide du talon lors de la mêlée et à exécuter la transformation, après un essai.
Dans cette nouvelle passion, Marième a pu faire accepter son choix à ses parents, mais en ce qui concerne ses amis, c’est une autre paire de manche. «Mes parents m’ont compris car j’ai toujours pratiqué le sport. En plus, l’entraîneur Mansour Mbaye venait tout le temps les voir pour leur expliquer que c’est un sport ouvert à tout le monde. Mes amies, quant à elles, me demandaient d’arrêter car c’est un sport masculin», raconte-t-elle.
Cette option ne hante pas son esprit et sa maman n’en espère pas moins, même si elle avoue avoir accepté le choix de sa fille malgré elle. « Comme c’est son vœux, on n’y peut rien. Tout parent se doit de soutenir son enfant afin qu’il soit épanoui. Puisqu’elle fait bien ses études, je la laisse jouer. Elle tient au rugby comme son frère tient au football », indique Mme khadidjata Thiombane.
Fraîchement retraitée de la Poste, elle ne désire que le meilleur pour sa petite dans le monde du rugby. «Je lui souhaite sincèrement beaucoup de succès. Qu’elle puisse, par exemple, remporter la Can avec le Sénégal. J’étais très heureuse lorsqu’elle est allée avec l’équipe nationale au Burkina-Faso. Les responsables de la sélection sont sérieux. Ils viennent nous voir pour nous informer de leur programme. Je pense qu’aujourd’hui il n’est plus question de garçons et de filles. La police et la gendarmerie nous l’ont démontré. A mon époque nous ne réfléchissions pas comme ça, à présent il y a la parité. Tout est bon. Il n’y a aucun risque, on peut réussir partout, même en tenant un bout de bois», argumente-t-elle.
De l’ambition plein les yeux
Elève en Première L, Marième conjugue désormais au passé sa première ambition d’être avocate. A présent, elle n’a d’yeux que pour les drops et les essais. « J’aimerais vraiment aller à l’extérieur pour pratiquer le rugby. Cela sera un plus pour que nous ramenions des trophées au pays», dit-elle. Pour atteindre ce rêve, il faudrait songer à palier à l’absence de championnat national féminin. En attendant cela, la «Lionne» se donne à fond lors des tournois de présélection en équipe nationale. «Nous évoluons dans des clubs qui participent aux tournois. Dix joueuses seront retenues au final pour les rencontres», nous explique–t-elle. Du haut de son mètre soixante dix, elle affirme que ses coéquipières sont animées d’une détermination sans faille : «Nous avons de l’ambition. Nous voulons montrer aux autres que nous sommes capables. Nous sommes des leaders et nous devons baliser le terrain pour les générations futures. Nous voulons vraiment réussir dans cette discipline et apporter la coupe au Sénégal pour que les gens aient le courage d’amener leurs filles à pratiquer le Rugby. Notre ambition nous pousse même souvent à taquiner les garçons en disant que nous sommes meilleurs qu’eux».
Avec à son actif cinq rencontres internationales avec les «Lionnes», elle prépare activement le tournoi de la zone Nord qui va voir la participation de dix sélections africaines en Avril prochain à Thiès. «Lors du tournoi international au Burkina en 2010, nous avons perdu en finale contre la Tunisie. Avant, nous avons fait match nul avec le Ghana et battu le Burkina, le Maroc et le Togo. Cela nous a permis de voir que notre niveau n’est pas mal», estime la demoiselle et ses 65 kg.
Le quotidien de Marième se vit en trois étapes. Elle va au lycée moderne de Rufisque jusqu’à 17h, fait un tour à la maison, enchaîne sous les coups de 18h avec des exercices de vitesse au bord de la plage ou sur le terrain de football situé à quelques mètres du domicile familial. Les mercredis et les week-end sont consacrés aux entraînements avec son club des Amazones aux Parcelles Assainies. Elle débourse 500 francs cfa pour se rendre aux entraînements et le club prend en charge le retour.
Jamais sans sa musique
Lecteur Mp3 accroché au tour du cou, la talonneuse de la «Tanière» est une vraie accro de la musique. Elle carbure au rythme du Rap français avec les dames de la scène, Zaho et Diam’s. Côté messieurs: «C’est le Rap Galsen que j’aime bien. J’écoute beaucoup Gaston. Le Mbalax c’est juste pour danser rek».
En tant que cinéphile, Marième affectionne les films qui mettent en scène des acteurs relevant les défis comme elle dit le faire avec le Rugby. «J’aime parfois affronter la difficulté. Les films que je regarde doivent refléter cela. Le fait de pratiquer le rugby n’est pas petit pour moi. Nous sommes des filles, mais nous sommes des combattantes, raison pour laquelle j’adore les films d’actions», martèle-t-elle sans hypocrisie. Puisque c’est ce qu’elle déteste le plus! Une autre preuve que Marième Thiombane vit à fond son statut de rugbywoman, son sportif préféré est le rugbyman français, Frédéric Michalak qui évolue dans son club de cœur du stade Toulousain.